Polaroid

Polaroid - Polavision

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Histoire

Polaroid, bien connu depuis 1947 pour la photographie instantanée, se lance dans les années 1970 dans le cinéma instantané. C'est en 1977 que le Polavision est mis sur le marché. Polaroid met au point le système de développement instantané du film (au format super 8). Ce film est basé sur le principe de la bichromie, c'est a dite un film noir et blanc avec des écrans colorés qui permettent de reconstituer les couleurs. C'est ce principe qui a été utilisé dès 1903 par Lumière pour l'Autochrome.

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1977

Article paru dans Le Nouveau Photocinéma, juin 1977

C'est le nom du système de cinéma « instantané » que Polaroid a présenté à son  assemblée annuelle des actionnaires. A dire vrai, si nous connaissons le procédé dans ses grandes lignes, la technique particulière mise en oeuvre n'est pas connue. Certains de nos confrères qui ont assisté à la présentation en font des descriptions parfois opposées et le service de presse de la filiale française de Polaroid ne semble guère  plus renseigné que nous ! Il faudra donc attendre encore pour savoir réellement de quoi il s'agit. Comment « ça » fonctionne dans le détail et quelle qualité peut-on attendre de ce procédé. 
Si la photo instantanée possède sans aucun doute un intérêt propre, le cinéma réellement instantané, c'est-à-dire le film qui se développe dès la prise de vues n'apporte aucun avantage appréciable à l'utilisateur puisqu'il lui faudra un projecteur pour visionner ses images. On comprend alors pourquoi le « Polavision » n'a d'instantané que le nom. En réalité, le film est développé juste avant la projection (et non à la prise de vues) dans un projecteur mis au point en collaboration avec Eumig. Ce développement ne prend que quelques secondes, ce qui est un avantage si l'on désire projeter le film très rapidement après la prise de vues mais ne présente qu'un intérêt restreint dans la plupart des cas où un temps assez long sépare prise de vues et projection (vacances...). Le procédé classique est alors tout à fait satisfaisant. 
C'est du Super8, mais... Le format adopté pour l'émulsion destinée au système est le Super8. Le soucis de standardisation est louable mais la générosité du Docteur Land ne va pas jusqu'à l'utilisation des cassettes standard. Le Polavision n'est manifestement pas conçu pourque Kodak ou tout autre fabricant puisse vendre la moindre
surface sensible à mettre dans la caméra « Pola ». La cassette de 3 mn de prise de vues est spéciale (13,5x7x1,2 cm) et ne sera vraisemblablement utilisée que par Polaroid puisqu'il ne semble pas que la firme de Cambridge (Massachusset)  soit disposée à vendre (ou louer) les brevets qui la protègent. Même chose pour la caméra conçue évidemment autour de la cassette. Attendons-nous donc à de beaux procès en perspective si, comme c'est le cas pour la photo instantanée, certains fabricants se  lancent dans la fabrication de modèles destinés à rompre le «monopole ». 
La caméra est équipée d'un petit zoom. Ses caractéristiques « techniques » semblent être très rudimentaires par rapport à ce que nous connaissons en Super 8 (1). Manifestement elle n'est pas destinée à l'amateur de cinéma qui n'hésite pas à jouer au professionnel. Exposition automatique bien sûr, tout doit être simplifié au maximum ; même la mise au point semble être réalisable de façon rudimentaire.
Le projecteur possède un écran intégré. Sa compacité semble voisine de celle de I'Eumig R dont il est vraisemblablement dérivé. L'écran est assez grand en proportion (31 cm) : la dimension de l'écran d'un petit téléviseur.
La cassette de film exposé est introduite dans son logement à l'arrière du projecteur pour y être développée. Après quelques minutes, il peut être projeté

Le traitement ?
A dire vrai aucune explication précise n'a été donnée concernant le traitement et nous en sommes donc réduits aux hypothèses. D'après certains confrères américains le  procédé Polavision s'apparenterait à l'« Autochrome » ! C'est-à-dire que les pigments colorés seraient incorporés à une émulsion de type noir et blanc. Ces pigments formeraient un réseau de filtres, et l'image enregistrée en « noir et blanc » projetée au travers de ces mêmes filtres se retrouverait donc colorée.
Le traitement dans ce cas serait donc relativement simplifié. Il s'agirait d'un traitement noir et blanc assez classique réalisé à travers des produits visqueux au lieu d'être liquides. Cette hypothèse est assez séduisante. Pour d'autres au contraire, il s'agirait d'une technique de formation de l'image colorée plus sophistiquée encore que celle qui préside à l'élaboration de l'image dans les procédés de photo Instantanée.

Quallté et prlx ?
Dans ce domaine, nous n'en savons guère plus que dans les autres et là encore des informations parfois contradictoires circulent. Pour certains la qualité est médiocre (ce qui pourrait être justifié dans le cas où I'émulsion se trouverait être du type «  autochrome ») et la granulation assez importante ; pour d'autres, au contraire elle parait comparable à celle du Super 8 « moyen ». Cette médiocre qualité pourrait justifier le fait que le projecteur soit à écran intégré où l'agrandissement de l'image est faible. Quant au prix, c'est l'inconnu ! Le service de presse français a émis quelques hypothèses.
L'ensemble caméra-projecteur pourrait être commercialisé aux environs de 6 000 F et le film de3 mn : 100 F environ, ce qui - à notre avis - rend le produit parfaitement non compétitif.
Par rapport au Super 8 d'abord : pour la même somme il est possible d'acquérir un ensemble caméra-projecteur extrêmement sophistiqué (ce qui est loin d'être le cas du Polavision) et sonore (la solution d'avenir pour l'amateur). Un ensemble muet aux caractéristiques équivalentes coûte deux, trois voire quatre fois moins cher en Super8.
Enfin la minute de film coûte deux à trois fois moins cher elle aussi. 
Si l'accessibilité à l'image doit être rapide, la vidéo noir et blanc semble plus avantageuse. li existe des systèmes caméra-magnétoscope portables que l'on peut brancher sur son téléviseur qui ne coûtent pas plus cher et permettent d'enregistrer 20 mn de programme sur la même bande. Bien sûr ils donnent une image  noir et blanc mais ils sont sonores et la minute de bande magnétique est là encore trois à quatre fois plus économique. Quant à l'accessibilité rapide à l'image couleur, elle existe déjà : il existe des émulsions Super8 qui peuvent être développées en machine en 30 mn environ. Ces machines sont assez onéreuses mais fonctionnent déjà chez certains revendeurs. Le système Polavision est donc intéressant dans son principe mais dans l'état actuel - et sous réserve de la confirmation des différentes informations que  nous avons reçues il ne nous parait pas répondre à ce que le cinéaste pourrait souhaiter. Il est impensable que le procédé soit muet. Un système sonore est prévu (et simple à réaliser) mais à quel prix serait-il si la version muette atteint déjà des  hauteurs aussi vertigineuses ? Il nous parait souhaitable que Polaroid révise très sérieusement ses prix à la baisse (2). Une caméra muette à 800 F et un projecteur au même prix (ou à
peine plus cher) seraient compétitifs, au-delà non. Quant au film, à supposer qu'il soit de qualité égale à celle du Super8, êtes-vous prêt à payer plus de deux lois plus pour une accessibilité immédiate à vos images? Hein? J'ai cru entendre quelqu'un me dire que non. 

(1) Pour le même prix.

(2) Des prix aussi élevés peuvent cependant s'expliquer si nous supposons que la capacité de production du système est pour le moment limitée et qu'en conséquence la production est quasiment pré-vendue.

1977-06 - Le nouveau Photocinéma - Polavision